Les Arènes

Les Arènes

Éditeur indépendant depuis 1997. En 1997, alors que j’étais éditeur chez Stock, le groupe Lagardère a censuré Une guerre – un manuscrit de Dominique Lorentz sur les accords nucléaires entre la France et l’Iran. Diffuser ce livre par mes propres moyens était une solution pour contourner l’obstacle. J’ai trouvé le nom de la maison d’édition sur la plaque de ma rue et l’adresse du diffuseur dans un annuaire. Une amie pour rédiger les statuts, un autre pour fabriquer le livre : tout s’est passé dans l’urgence, en juin 1997, de manière clandestine et bricolée. Sans le savoir, j’avais franchi le Rubicon : j’étais devenu un éditeur indépendant. L’aventure a continué dans une chambre de six mètres carrés sous les toits, avec moins de 8 000 euros en poche. Sans actionnaires, sans prêt bancaire. Mes amis dans l’édition me regardaient d’un air condescendant ou inquiet. Je voulais publier peu de livres – huit à dix par an – mais publier de tout : des opuscules et des pavés, des albums, des documents et des récits historiques. Sans logo ni charte visuelle. Juste des livres. Je me suis jeté dans le vide sans savoir comment financer l’année suivante, encouragé par la confiance d’Hélie de Saint Marc, Frédéric Boyer, Denis Robert et Philippe Meyer. Ces premiers livres furent tous des succès. L’été 2000, Notre affaire à tous, d’Eva Joly, dépassa même les 100 000 exemplaires. Hélas ! ce démarrage sur les chapeaux de roue fut suivi d’une annus horribilis : une série de procès, l’échec de plusieurs livres ambitieux, des publications à contretemps… Huit livres, huit échecs, parfois cuisants. Et de méchants adversaires : trois chefs d’État africains ; une multinationale de la finance aux ramifications innombrables ; une banque russe à la réputation sulfureuse, une banque luxembourgeoise puissante… De papier bleu en papier bleu, il nous a été réclamé plus de six ans de chiffre d’affaires en dommages et intérêts. J’avais voulu me jeter dans l’arène. J’étais servi. Qui sème le vent récolte la tempête. Il a fallu faire face. Un par un, les procès ont été affrontés et l’orage est passé. Un euro de dommages et intérêts par-ci, des heures et des heures d’audience par-là… Des victoires spectaculaires aussi. Le marathon fut harassant. Entre-temps, les comptes des Arènes étaient dans le rouge. Comme disent les Italiens pour « branle-bas de combat », c’était panico generale à tous les étages. Mais Amélie Poulain passait par là. Cette année-là, elle avait décidé de faire quelques miracles au box-office, mais également en librairie. Jean-Pierre Jeunet nous confia son album, qui fit le tour du monde. L’égérie de Montmartre fut aidée par Jean-Pierre Guéno des éditions de Radio France, qui persista à nous choisir comme partenaire pour sa collection de témoignages d’auditeurs, malgré une première déconvenue : Chère école s’arracha pour Noël. Et Noam Chomsky ajouta sa voix irréductible. Carton plein. Les Arènes étaient sauvées. J’ai cependant retenu la leçon qui consiste à n’ouvrir qu’un seul front à la fois, pour éviter de disperser ses forces dans trop de combats. Cette maison fut rapidement habitée par d’autres. L’entreprise porte l’empreinte des plus anciens, qui sont là depuis dix, quinze et même vingt ans, comme Jean-Baptiste Bourrat. D’autres nous rejoignent chaque année, apportant leur sang neuf, tandis que certains quittent la maison en bonne intelligence et, tels des rhizomes, vont replanter des livres ailleurs. La vie d’une maison d’édition est rythmée par de nombreux greffons et quelques rejets. Ainsi va cet étrange métier, semblable à celui de la terre. Comme un paysan, un éditeur doit penser loin, être patient avec les jeunes pousses, se réjouir des moissons glorieuses tout en sachant d’un orage de grêle, un mauvais alignement des planètes peuvent anéantir brutalement le travail de plusieurs années. Années de vaches grasses, années de vaches maigres… Seul le temps compte et le désir de durer pour accueillir et faire mûrir de nouveaux projets. À côté des Arènes, en relation avec la maison mais indépendantes, d’autres structures sont nées : L’Iconoclaste, dirigé par Sophie de Sivry, qui connaît un développement fulgurant ces dernières années et accumule les prix littéraires ; les revues XXI et 6 Mois cofondées avec Patrick de Saint-Exupéry qui furent pendant dix ans notre bonheur et notre fierté avant de connaître le dépôt de bilan après l’échec de l’hebdomadaire Ebdo (les revues ont été rachetées auprès du Tribunal de commerce et n’ont désormais plus aucun lien avec les Arènes) ; et enfin, depuis 2014, Rue Jacob diffusion, notre ambassadrice auprès des libraires. Les énergies se renforcent, les équipes grandissent, surmontent les obstacles, se réinventent sans cesse. Que de maisons d’édition en une seule : la psychologie, la méditation et l’éducation, les Arènes BD, la collection de romans noirs EquinoX, les sciences humaines, l’Histoire, les Arènes jeunesse… Chaque cellule est une partie de la ruche. Nous étions 4 au démarrage, nous sommes près de 50 aujourd’hui. La liste des succès de la maison reflète la curiosité et l’éclectisme qui est notre marque de fabrique : La Vie secrète des arbres du forestier allemand Peter Wohlleben, le tsunami Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler, le long-seller de méditation pour les enfants Calme et attentif comme une grenouille d’Eline Snell, la vague puissante des Lois naturelles de l’enfant de Céline Alvarez, la première histoire de l’économie en BD, Economix, le récit poignant d’Anne-Dauphine Julliand, Deux petits pas sur le sable mouillé, le monumental Canard enchaîné en 2 000 dessins… Et tant d’autres histoires, toutes singulières. Dans maison d’édition, il y a le mot « maison ». En vingt ans, chaque étape de notre histoire s’est incarnée dans un lieu. Les livres ne naissent pas n’importe où. D’abord deux chambres sous les toits rue des Arènes ; un appartement de bric et de broc, bas de plafond avec une improbable moquette violet et vert, face à l’université de Jussieu ; un ancien atelier de souffleur de verre rue Rollin, au fond d’une cour plantée de bambous avec un petit pont de bois, avant d’investir en 2011, grâce à la générosité de la famille Flamand, l’ancien immeuble du Seuil, rue Jacob, sa grille et son if. Bientôt, nous y avons ajouté « le 26 », ses bureaux hauts de plafond et ses fenêtres ouvrant sur le jardin d’ombre ; et enfin, depuis janvier 2019, le 17/19 rue Visconti, l’ancienne imprimerie de Balzac, ses bureaux inondés de lumière et ses gradins qui forment notre arène de bois. Des murs, des lieux, des entrepôts, des contrats, des fabricants et des imprimeurs, des transporteurs, des libraires, des factures, des droits versés et perçus. Les rêves de papier ont la pesanteur et la force de la matière. La liberté, la création et l’engagement sont nos références. Être libre, c’est refuser la censure et l’ordre du monde, c’est oser « porter la plume dans la plaie », c’est ne dépendre d’aucun intérêt particulier. Le goût de la création, c’est la volonté obstinée d’inventer ce qui n’a encore jamais été fait, explorer de nouveaux territoires, transformer des idées qui passent ou des rêves un peu fous en livres que l’on ouvre et que l’on touche. Notre liberté n’a de sens que si elle s’accompagne d’un engagement total dans ce que l’on entreprend. Les seules fautes inexcusables sont le je-m’en-foutisme et la médiocrité. Les mots ont un poids. Éditer est un acte noble. Chacun peut se tromper. Nous avons connu des déconvenues, et des échecs cuisants quand le public n’était pas au rendez-vous. Après tout, il vaut toujours mieux échouer en osant que réussir en imitant. Le respect du lecteur est notre boussole. Pour une maison d’édition, vingt ans est une durée infinitésimale. Ce métier s’inscrit dans la durée. Un éditeur se construit à partir d’un catalogue et d’une famille d’auteurs. Son histoire lui permet d’accumuler une énergie cinétique qui le pousse vers l’avenir. La maison se réinvente à chaque publication. Elle est gorgée de projets et de rêves, de contrats signés pour des livres qui ne sont pas encore écrits, de programmes établis un, deux, parfois trois ans à l’avance. Un éditeur est un tiers de confiance entre les auteurs, les libraires et les lecteurs. Avoir confiance, c’est avoir foi en quelqu’un. Cet élan qui nous porte repose sur notre foi en vous, lecteurs, en votre appétit, votre intelligence et votre générosité. Tant qu’il y aura des lecteurs curieux, il y aura des éditeurs audacieux. Laurent Beccaria

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